Parler d’amour, c’est plutôt bien. Et de l’amour, Stacey Kent en déborde. Souriante, menue, statique mais généreuse, la chanteuse américaine reflète sur scène ce qu’est sa voix : certainement pas celle d’une diva façon Sarah Vaughan, mais néanmoins très précise sur la note, qu’elle relève souvent d’un subtil vibrato, et très attentive à la diction. Au fait de partager ce qu’elle dit avec le public. Mais les chansons d’amour peuvent donner le meilleur comme le pire, surtout quand elles sont accompagnées par un orchestre symphonique, où le risque est grand de sombrer dans le sirupeux.
Le chef Bastien Stil contourne l’obstacle en donnant à l’ONBA des allures aériennes. Il fait à peine sentir les attaques des notes, dose avec précision les intensités sonores. Sous sa direction les harmonies colorées de ces morceaux écrits ou inspirés par des grands maîtres brésiliens (Antonio Carlos Jobm. Vinécius de Moraes…) sonnent comme des vagues qui montent et qui descendent. Elles enveloppent la chanteuse, et même le quintet jazz qui l’accompagne. dans une onde chatoyante et chaleureuse, sans jamais l’étouffer. Et on mesure l’apport de l’ONBA quand il arrête de jouer quelques minutes, et que « Ces petits riens » de Serge Gainsbourg sonne maigre, plombé par une flûte pathétiquement fausse… Mais on boit à nouveau du petit lait sur « Aguas de Março ». que Stacey Kent interprète en duo avec son saxophoniste et époux Jim Tomlmson.
A peine trois notes à chanter, mais que la progression d’accords fait sonner à chaque fois différentes. Après la version d’anthologie d’Anton» Carlos Jobim et Elis Regina en 1974, ça pourrait avoir des allures de karaoké. Mais non. l’orchestre creuse les reliefs, enrichit les couleurs, assouplit les angles et offre ce bonheur indépassable : celui de la musique vivante.